Nayel marchait dans les allées sombres du musée, s'aidant de la faible lumière de la lune pour avancer. A le voir se balader ici la nuit aussi richement habillé, on aurait pu penser qu'il s'agissait du fils du propriétaire du musée mais il n'en était rien. Le jeune homme à l'allure droite et fière n'était que le gardien et se fichait allégrement de la tenue réglementaire. Marchant d'une manière certaine, comme en retard à un rendez-vous, il semblait blasé.. et non sans raison. Une intrusion venait d'avoir lieu dans le musée. On ne pouvait voir goutte dans la pénombre mais Nayel connaissait le musée comme sa poche, avançant rapidement dans les couloirs. Il avait pris ce boulot en se disant qu'au moins il n'aurait pas à interagir avec d'autres personnes, qu'il aurait qu'à dormir le jour et travailler la nuit. Il aurait très bien pu s'en passer cela dit. La fortune laissée par la mort de ses parents était assez énorme pour qu'il puisse vivre sans travailler, mais le temps est parfois bien long quand on n'a rien à faire. Plus jeune il avait fuis Paris suite à un petit incident et s'était installé à Londres, pensant que la vie ici serait éventuellement plus intéressante. Et c'est dans ce genre de moment qu'il savait qu'il avait raison.
Arrivé dans la salle du musée où l'intrusion se déroulait, Nayel ne put réprimer un léger sourire. Évidemment, la salle de l'anatomie. Quelle ironie. Au milieu de la pièce se trouvait effectivement deux malfrats, l'un tentant d'ouvrir une fenêtre blindée tandis que l'autre observait nerveusement les squelettes, les corps momifiés, les organes internes et autres morceaux d'anatomies entreposés ici et là. Le jeune gardien arriva tranquillement, ci-bien que les brigands ne le virent pas arriver.
« Eh, les bleus ! lança-t-il, la prochaine fois évitez de passer par les fenêtres. On a des alarmes ici. »Le filou qui semblait déjà nerveux plus tôt, se retourna vivement et sortit son pistolet, le pointant vers Nayel, tandis que l'autre semblait plus serein. Ce dernier se retourna calmement dévisageant le jeune homme d'un regard dur. Le premier bafouilla, l'arme tremblante :
« On.. on fait quoi patron ? On le flingue ?
Nayel haussa un sourcil, se demandant comment agiraient les brigands.
- Eh bien... ils nous a vu. D'un autre côté, ça n'est qu'un gamin. Que peut-il bien faire ? »Soudainement un craquement fort désagréable se fit entendre suivi d'un hurlement strident. Le voyou qui était armé plus tôt était genoux à terre, se tenant la main désormais désarmée. Son camarade ne comprenait vraisemblablement pas ce qui lui était arrivé. Il s'en rendit rapidement compte, voyant la main complètement détruite de son partenaire. Les doigts de celle-ci étaient tous retournés, brisés, percés de multiple trous. Deux phalanges du majeur étaient même sortis à l'air libre, faisant jaillir un flot sang. L'ensemble du poignet était retourné et les doigts semblaient encore agir d'eux-mêmes, se recroquevillant à l'endroit comme à l'envers, se cambrant dans divers sens impossibles normalement. Cela ne dura que quelques secondes mais la main n'était désormais rien de plus qu'un lambeau de chair parfaitement hachée. Son propriétaire tomba rapidement dans l'inconscience après ce spectacle tandis que le brigand, calme plus tôt, commença à transpirer à grosse goutte. Nayel avança d'un pas vers celui-ci, d'un sourire diaboliquement bienveillant.
« Voilà ce qu'un gamin peut faire mon cher. Tu peux me dire quelle sera ton épitaphe ?
- Que...
- Oui tu as raison, je m'en fiche en fait. »Le cambrioleur entendit un craquement sec venant de son compère. Tournant la tête lentement, il vit celle de ce dernier complètement retournée un filet de sang coulant de sa bouche. Regardant tour à tour le jeune gardien de musée et son camarade, pris de panique, le malandrin tourna les talons et tenta de s'enfuir en courant. Mais trop tard, Nayel tendit le bras vers lui et au même moment, le talon du voleur se brisa violemment, entraînant la chute violente de celui-ci sur le sol.
« Dommage, vous avez voulu cambrioler le mauvais endroit... Mais vu que toi tu es là, on va pouvoir te transformer en magnifique œuvre d'art. Ne bouge surtout pas..»Toujours le bras tendu, Nayel ferma les yeux. Le brigand le regardait faire, reculant en rampant sur le dos quand soudainement il ressentit une violente douleur dans son ventre. Abaissant lentement les yeux, il vit une chose impensable. Cela doit faire vraiment bizarre de voir la totalité de ses côtes sortir en perçant son ventre. Mais bon, Nayel se disait qu'il n'aurait jamais la 'chance' de le savoir lui.
« Aaaah, ça fait du bien de se laisser aller parfois... Bon sur ce je ne devrais pas rester là... »Tournant les talons, Nayel abandonna son poste, laissant les cadavres à portée de tous. Le petit incident qui l'avait fait fuir Paris venait de se reproduire mais sur son lieu de travail cette fois. Cette pensée le faisait soupirer. Fort heureusement le musée était fermé demain et seul lui avait les clés pour ouvrir le matin.
Se procurant rapidement des billets pour New York à l'aube, il se félicita d'avoir trimbalé un faux nom tout ce temps, cela compliquera les recherches de la police s'ils venaient à enquêter sur lui (ce qui semblait inévitable cela dit).
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Dans l'avion vers New York, il rêva de la fois où il utilisa ses pouvoirs pour la première fois. Il avait fait éclater la tête d'une personne qui agressait violemment son grand frère sous ses yeux. Il était pris d'une rage folle et se maudissait de pouvoir rien faire du haut de ses 12 ans... Il avait juste envie de voir cette raclure mourir... ce qui du coup, arriva.
Au départ seul lui et son frère étaient au courant pour son pouvoir. Mais, à l'époque assez immature, Nayel ne savait pas s'en servir et son pouvoir semblait agir via ses émotions. Parfois un simple contact pouvait briser la main d'une personne qui le touchait. Personne ne croyait à son pouvoir et le peu d'incident qui arrivaient n'était pas mortel (sauf le premier mais personne ne le soupçonna. Tout ce que la police avait retrouvé était un corps avec une tête disloquée après tout.).
La vie continua ainsi plusieurs années sans que personne ne sache expliquer pourquoi parfois, quelqu'un se cassait soudainement une jambe, une main...
Durant ses années, Nayel s'était profondément enfermé sur lui-même. Il avait rejeté ses anciens amis de peur de les blesser et son frère le laissa, déménageant pour habiter près de son école. Arrivé au lycée, Nayel était vu comme le gosse de riche avec qui personne ne voulait traîner. Lisant tantôt du Shakespeare, tantôt du Voltaire, il était souvent victime de quolibets et de moqueries de la part de ses camarades. Vivant son adolescence difficilement, il éprouvait souvent de l'amertume à ne pas se sociabiliser avec certaines personnes. Amertume qui s'est petit à petit transformé en haine. Sujet à de violents harcèlements il trouvait cela particulièrement injuste. Pourquoi les autres étaient-ils obligés de l'insulter gratuitement, de s'amuser à le narguer en le rejetant, de le harceler en lui défonçant son casier ou les vitres du riche appartement où il vivait seul ? Tout ce qu'il essayait de faire après tout était de les protéger, il ne voulait blesser personne à cause d'une malheureuse et/ou hasardeuse utilisation de son pouvoir. Et c'est comme ça qu'il était remercié ? Pourquoi une personne possédant des souper-pouvoirs devrait souffrir alors qu'elle était un humain supérieur ?
Arrivé à la fin de la période du lycée, une grande fête était organisée pour les lycéens. Tout le monde pouvait venir gratuitement et le but était apparemment de créer des couples, comme il l'avait entendu en écoutant une conversation à côté de lui. Le frère de Nayel le força à y aller.
« Ca te fera le plus grand bien ! Et puis tu ne peux pas être définitivement seul, tu vas devoir te trouver quelqu'un un jour... Autant commencer à chercher maintenant, huhu. »C'était la première fois depuis bien longtemps que Nayel se vêtit pour faire plaisir à quelqu'un d'autre. Il était d'habitude habillé richement mais cette fois il opta pour un look plus jeune, plus normal peut-être, moins différent de celui des autres. Il espérait que désormais il serait capable de dompter son pouvoir et que rien n'aurait vraiment pu gâcher cette soirée. De toute façon, Nayel savait qu'il allait passer la soirée assis quelque part en regardant les autres s'amuser, comme d'habitude. Mais il avait envie d'essayer de parler à quelqu'un, d'éventuellement simplement dire au revoir à ceux qui ne s'étaient pas moqués de lui.
Alors que la soirée commençait à 20h00 dans un énorme gymnase de Paris, il arriva un quart d'heure en retard, au moment où l'organisateur de la fête faisait un petit discours sur une petite scène improvisée, armé d'un micro. Bien que Nayel entra en se faisant tout petit, tentant de ne pas attirer le regard de quiconque, l'organisateur l'interpella du haut de l'estrade.
« EH ! C'est lui ! Hahaha il est venu en fait ! La foule se retourna comme un seul homme, le fixant d'un regard moqueur. La voix dans le micro reprit :
- Félicitations ! Tu as gagné le tirage au sort, rejoins moi sur la scène !
- Hein ? répondit simplement Nayel, surprit. La horde de personnes présentes l'attrapèrent et l'amenèrent devant la scène où il fut forcer de monter.
- Très bien tout le monde ! Vous avez ce qu'on vous a distribué à l'entrée ? Nayel se prit alors un tacle violent dans l'arrière de ses chevilles, trébuchant violemment sur l'estrade. Reprenant peu à peu ses esprits, sonné, il sentit ses chevilles et ses poignets liés à une barre. Levant la tête il vit tout le monde applaudir l'organisateur et la brute qui se tenait à côté de lui. Ca devait être celui qui l'avait ligoté.
-Je vous rappelle les règles, le but est de shooter Nayel avec le matériel de paintball prêté. Vous devez payer pour participer mais le stand reste ouvert toute la soirée ! Selon l'endroit où vous visez et le cri qu'il produira, vous obtiendrez un certain nombre de points que vous pourrez échanger contre des boissons ! Et ça commence... maintenant !
PAK !
Nayel ne put réprimer un cri de surprise et de douleur, la bille de peinture venait de violemment exploser au milieu de son front.
- Ah, je vois que nous commençons par un tireur d'élite ! Bien ! Suivant, n'hésitez pas ! »Alors que de longues minutes passaient, Nayel tremblait de rage. Il ne faisait plus attention à la douleur qu'il ressentait, les violents impacts qu'il recevait. Il entendait juste les rires de ceux présents dans la pièce, des rires moqueurs, blessants. Combien de temps s'était écoulé avant qu'il ne se décide à enfin utiliser son pouvoir ? Il ne savait pas mais la suite fut très rapide. L'organisateur lâcha soudainement son micro et s'écroula par terre. Le micro produisit un son aigu très fort, vraiment désagréable. L'ensemble de l'assemblée se tut et virent deux choses à la fois, l'organisateur ne semblait pas se relever et le regard de Nayel avait quelque chose de monstrueux. Il fixait tout le monde à la fois, haineux, la peinture et le sang perlant sur son visage. Il prit la parole.
« Tout ce que je demandais de vous c'était de la clémence, de la pitié, croyant par un quelconque miracle que vous pourriez me sauver, me tirer de ma solitude...Plusieurs violents craquements se firent entendre dans la salle, suivi de cris de peur.
- Je ne vous épargnerai pas... et votre mort sera un symbole maintenant que mon cœur est aussi froid et mort que le vôtre.Certains commencèrent à sortir de la salle, le groupe de plus en plus pris de panique. Mais arrivés devant la porte ils tombèrent tous à terre en hurlant de douleur.
- Maintenant faites face à votre propre mort et celles de vos camarades. Je n'aurais aucune pitié pour vous... »Ceux qui avaient survécus jusque là moururent tous en même temps, leurs propres os les perçants de par en par, produisant plusieurs gisements de sang intarissable. Le silence régna bientôt en maître dans la pièce, brisé par le rire malsain de Nayel.
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« Vous êtes bien arrivés à l'aéroport international Kennedy de New York. La température extérieure est de 17°. Nous vous souhaitons une agréable journée, à bientôt. »Nayel s'était réveillé en sursaut durant l'annonce. Ainsi il était arrivé à New York. Bon... premières choses à faire, transférer son argent et trouver un appart' digne de ce nom... La vie d'un mutant surhumain est parfois bien compliquée...