Ma dernière mission pour le SHIELD est de surveiller une demoiselle qui a déjà fait pas mal de dégâts. J’ai pour ordre de n’effectuer de contact que si je me fais repérer, et c’est bien une chose qui m’ennuie. Les ordres sont faits pour être adaptés à la situation présente et non pour être suivis à la lettre. Fort heureusement, ce cher Captain n’est pas à proximité et ne pourra pas venir me crier dessus si jamais il s’avère que je n’obéis pas parfaitement aux ordres. Comme le dit Nick Fury, de toute façon, j’ai un bon sens de l’improvisation. C’est peut-être la seule chose qu’il apprécie chez moi, d’ailleurs. Ärce que je suis loin d’être le pion parfait. Trop indépendante, peut-être ? Certainement.

Quoi qu’il en soit, me voilà donc à filer ma proie dans toute la ville, encore et encore, sans relâche, les sens aux aguets. Jusqu’à cet aquarium où je m’installe non loin d’elle, assise en tailleurs sur un banc, un carnet de dessins entre les mains. Heureusement que personne ne vient m’embêter à regarder ce que je gribouille, parce que je ne suis pas capable de dessiner quoi que ce soit. Enfin, si : des petits bâtons affreusement affreux. J’ai dû rester bloquée à la maternelle niveau dessins.

Alors que la salle se vide petit à petit, je finis par me lever et par me cacher dans l’ombre, adossée à un poteau, où je peux regarder la jeune fille s’éloigner. Une impression étreint mon cœur et me fait rester en arrière cependant. Je ne peux pas prendre le risque qu’on me voie pour le moment. Pour être franche, je ne vois pas vraiment ce qu’on reproche à cette fille à l’heure actuelle : elle n’a rien de si particulier à mes yeux. Son dossier est pourtant très épais. Elle n’atteindra pas l’épaisseur du mien, mais tout de même.

Bien m’en a pris de rester à ma place ! la voix de la jeune fille retentit et un sourire monte à mes lèvres. Je ne suis pas aussi manipulable qu’elle le pense. On m’a entrainée depuis mon plus jeune âge à résister à ce genre de choses. Aujourd’hui, je sais que son don ne pourra pas agir sur moi, pas si je suis consciente qu’il existe. Alors qu’elle me cherche, je lève les yeux au ciel et sors de l’ombre, dans son dos, pour m’adosser au pilier du côté de la lumière. Bras croisés, mes cheveux tombant le long de mon épaule gauche, je ne suis pas vêtue comme un membre du Shield. Je pourrais mentir, d’ailleurs. Mais, je n’en ai pas envie. Je crois avoir trop menti au cours de ma vie. Certainement un peu de tout ça à la fois. Je ne fais que mon travail, moi. Un sourire narquois et je la laisse se tourner vers moi. On m’a dit de surveiller, je surveille. Ce n’est pas moi qui arrête les gens ou bien qui les envoie en prison. C’est le travail de la police et des juges, ça.

C’est mon travail de le vérifier. C’est la seule chose que je lui accorde. Qu’elle n’aime pas n’est pas mon problème. Vraiment pas. Je fais ce qu’on me demande, moi. C’est à ce prix et uniquement à ce prix que je gagnerais ma rédemption. C’est ce que je recherche. C’est ce que je souhaite. Tenter d’obtenir un juste retour des choses. Tenter de revenir en arrière. Tenter de revoir les choses. Ce n’est pas possible. Le pouvoir de voyager dans le temps n’existe pas. Pas à ma connaissance, du moins. Si jamais ce don existait… Quelqu’un aurait tué Hitler au berceau. Je fais ce qu’on me demande. Si ça ne te plait pas, je t’invite à envoyer une lettre de réclamation en trois exemplaires à mes supérieurs. Je suis certaine qu’ils seront ravis de la lire. Ironie acide. Mon visage a la même expression que celle de la demoiselle en face de moi. Arrogance. C’est ce qui me définit le plus, je crois. J’hausse un sourcil et puis les épaules. Je ne juge pas. Je fais un rapport et j’obéis aux ordres. Pourquoi taper sur le messager, hein ? Tant que tu ne fais pas de vagues et que tu ne montre pas trop qu’il y a plus de gens spéciaux dans ce monde que ce que les humains pensent… Ma voix reste en suspens et je lui envoie un sourire amusé.

Sa réponse me fait lever les yeux au ciel, et je ne m’en cache même pas. Ces « vilains », tous les mêmes. Ils parlent, ils parlent et ils dévoilent leurs plans. Si elle commence à dire ce qu’elle a en tête, alors autant être claire : elle va avoir les Vengeurs au dos. Pour moi… Je dois avouer que je m’en fiche. Ce ne sera pas mon boulot de la détruire. Peut-être celui de Stark. Un coup de blaster et hop. Plus personne. Voilà donc qu’elle se décide à me donner son nom complet. Je n’ai aucune idée du nom sur ton dossier, je ne l’ai pas consulté. Je ne lui donne pas mon nom, pas encore. Je prends quelques instants pour observer cette gamine en face de moi. Elle a l’air jeune. Malheureusement, plus ils sont jeunes, moins ils sont faciles à comprendre et à faire revenir sur le bon côté des choses. Parfois, je rêve d’un monde où ma seule tâche serait de savoir ce qui va composer mon dîner. Mais ce n’est pas possible. Ce monde n’existe pas. Il y a toujours quelqu’un pour venir foutre la merde. Tasha. Je lui donne mon surnom. C’est tout ce qu’elle aura. Je n’ai pas envie de lui en donner plus. Un nom c’est… Un nom c’est puissant.